OGM : Les animaux génétiquement modifiés sont-ils un risque pour la nature ?
Alors que les animaux génétiquement modifiés pourraient se populariser au sein de la nature pour « aider » l’homme, cette perspective ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Au Burkina Faso, des moustiques génétiquement modifiés ont été relâchés pour lutter contre le paludisme. Ce n’est pas la première fois que le génome d’animaux dit « nuisible » est changé par l’homme. Une pratique que beaucoup de chercheurs estiment néanmoins très dangereuse.
Concerned URL | http://www.20minutes.fr/planete |
---|---|
Source | Point focal CHM |
Release date | 16/07/2019 |
Contributor | Robert LOUARI |
Les changements génétiques rendent soit les moustiques stériles, soit font que leurs progénitures ne peuvent être que des mâles. Dans les deux cas, le but est de diminuer les populations de ces insectes, responsable du paludisme, encore la cause de mortalité la plus importante du pays.
Ce cas est loin d’être une première. Au Brésil, des moustiques OGM ont plusieurs fois été lâchés pour enrayer la diffusion de certaines maladies, comme la dengue ou le virus Zika. Et le processus pourrait se populariser encore plus au fil des années, selon Jean-François Silvain, entomologiste et président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité : « L’homme cherche à limiter l’influence des animaux dits “nuisibles”, que ce soit en modifiant leurs comportements ou en faisant décroître leurs populations. La modification génétique, de plus en plus facile à utiliser, risque de se développer. Elle est déjà en pleine expansion, et si le processus devient admis éthiquement et scientifiquement, il devrait facilement se populariser. »
Pour Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste et spécialiste des insectes : « On est encore au balbutiement de la génétique et on délivre déjà des animaux modifiés dans la nature ! On ne sait aucunement les conséquences que cela pourrait avoir. Des études attestent que les gènes modifiés des plantes OGM se répandent ensuite dans toute la chaîne du vivant. Comment contrôler ? »
Assumant être contre le procédé de modification génétique sur les animaux, le spécialiste des insectes prend la peine d’étayer son point de vue : « On sait comment modifier la génétique, mais on ne sait pas encore tout de son fonctionnement. Du coup, on touche à des choses qu’on ne maîtrise même pas, en prenant le risque d’impacter non seulement l’espèce mais également tout l’écosystème alentour et sans pouvoir prédire le danger. Je rappelle que tous les premiers atomistes sont morts des suites de l’exposition aux radiations. Quand on ne maîtrise pas une chose, il faut se méfier avant d’y toucher… »
Au-delà des risques, le procédé en lui-même n’est pas certain de faire des preuves : après les moustiques brésiliens, le Haut conseil des biotechnologies (HCB) avait admis ne pas pouvoir tirer de conclusions claires sur l’efficacité ou non d’une telle initiative. Jean-François Silvain atteste : « Parfois, les espèces développent des résistances, ou quand on chasse un nuisible, une autre espèce la remplace et apporte les mêmes problématiques pour l’humain. On ne sait pas non plus comment réagira l’écosystème à une disparition d’une espèce, qui peut être nuisible pour l’homme mais essentiel pour la chaîne du vivant locale. »
Pour le chercheur, plutôt que modifier la génétique des moustiques ou autre, l’homme devrait surtout changer son état d’esprit à lui (c’est beau, on sait) : « Il faut sortir du paradigme voulant que, pour un problème ponctuel, aussi grave peut-il être comme c’est le cas pour le paludisme, on bouleverse une espèce voire un écosystème entier. Cette pratique est dangereuse et fait peser une réelle menace sur la biodiversité. »
Car ensuite, où serait la limite questionne Henri-Pierre Aberlenc : « On modifie déjà le génome de certains mammifères, combien de temps avant que l’on fasse de même pour les humains ? La génétique ouvre la porte à tous les possibles, et tous ne sont pas souhaitables. L’homme ne cesse d’enfoncer un peu plus le doigt dans l’engrenage. Tâchons de ne pas trop jouer aux apprentis sorciers. »
Please note that this information has expired.